Denis JACOPINI questionné par un journaliste de l’Express | Le Net Expert Informatique



Denis JACOPINI questionné par un journaliste de l’Express

Le site d’actualité de jeux vidéo Nintendojo.fr a faussement annoncé mercredi 1er avril avoir été bloqué par le ministère de l’Intérieur. Une blague douteuse qui, par l’absurde, révèle néanmoins certains écueils de la loi Cazeneuve. Explications. 

 

Voici l'écran qui s'affiche ce mercredi lorsque l'on tente de se connecter au site Nintendojo.fr
Voici l’écran qui s’affiche ce mercredi lorsque l’on tente de se connecter au site Nintendojo.fr

 

 

Ministère de l’Intérieur

Enfin, les détracteurs de la loi Cazeneuve tiennent leur martyr! Jugez donc: Nintendojo.fr, un simple site consacré à l’actualité des jeux Nintendo, est inaccessible ce mercredi. Il renvoie vers une page du ministère de l’Intérieur qui explique que le contenu a été bloqué. Une mesure qui est autorisée depuis le vote de la loi Cazeneuve fin 2014, avec de premiers cas en mars dernier, mais en principe réservée aux sites terroristes ou pédophiles.

Rassurez-vous tout de suite. « Il s’agit d’une blague de mauvais goût et ça nous a bien fait rigoler », explique à L’Express Mortal, l’administrateur du site. Il ne faut donc pas voir la main du ministère de l’Intérieur derrière ce faux blocage, mais un poisson d’avril qui aura trompé des dizaines d’internautes et quelques sites d’information.

 

 

Pourquoi ce gag?

« Ce n’est pas un geste politique, mais nous estimons quand même que la loi qui permet le blocage de certains sites internet est mauvaise, justifie Mortal, qui se revendique de la Quadrature du Net, association de défense des libertés sur internet hostile au dispositif. On avait envie de piquer les gens pour que ça éveille un peu les consciences sur le sujet. Cela pourrait arriver pour de vrai à d’autres demain, c’est ça le problème », tranche-t-il.

 

 

 

De la difficulté de distinguer « vrai » et « faux » blocage

Qu’on le juge drôle ou pas, le poisson d’avril de Nintendojo.fr pose de sérieuses questions sur le principe même de bloquer certains sites Internet. Est-il possible pour un internaute face à une page qui affiche le fameux message du ministère de l’Intérieur de savoir avec certitude que le site a été bloqué? « La réponse est simple: c’est non », estime Denis Jacopini, consultant en cybersécurité. Point de vue partagé par plusieurs observateurs interrogés ce mercredi.

 

« Rien est impossible, poursuit l’analyste. Cela peut être un vrai message, bien sûr. Mais cela peut aussi être une blague de l’administrateur du site, ou l’oeuvre d’un hacker qui a modifié le site« , avance-t-il.

 

Qu’en pense l’Intérieur? Contactés par L’Express, les services du ministère n’ont pas donné suite à nos sollicitations. A ce jour, les services de la Place Beauvau n’ont pas mis en place de dispositif pour informer sur de telles situations. Il ne serait pas étonnant, dans ce contexte, de voir fleurir les farces voire de réelles arnaques du même tonneau dans les semaines qui viennent.

 

 

Attention, arnaques à prévoir…

Dans le cas de Nintendojo.fr, l’artifice était plutôt élaboré. Le message affiché sur la page d’accueil du site reprenait, aussi bien graphiquement qu’au niveau du contenu, celui affiché en cas de blocage. Ce n’est pas tout. Un utilisateur de Twitter a comparé le code HTML de la page vers laquelle redirigeait Nintendojo.fr avec celui d’une page affichée via un site réellement bloqué par l’Intérieur, et ils étaient bien identiques.

 

Mais Nintendojo.fr est allé encore plus loin. « Nous avons vraiment procédé à un blocage DNS » (domain name system, nom de domaine) explique Mortal. Ce qui a pu donner l’illusion a certains que le site avait bel et bien été « bloqué ». « Techniquement, le dispositif de censure fait appel à un résolveur DNS menteur, c’est-à-dire qu’il ne renvoie pas le résultat correct, mais un mensonge tel que demandé par le gouvernement », explique nextinpact.com.

Concrètement, le gouvernement n’efface pas les sites bloqués: l’internaute qui essaye de s’y connecter est simplement redirigé vers la fameuse page ministérielle. Un mécanisme que Nintendojo.fr a plutôt bien singé ce mercredi.

 

 

« On aurait pu faire encore plus sophistiqué »

Les bons connaisseurs, eux, ont néanmoins pu déjouer la supercherie en testant d’autres DNS. Ils ont alors observé que tous renvoyaient vers la page du ministère de l’Intérieur, ce qui n’aurait pas été le cas pour un « vrai » blocage gouvernemental. En situation réelle, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) bloquent le site concerné au fur et à mesure, ce qui prend du temps. De plus, il existe des DNS publics, gérés par d’autres acteurs du Web (par exemple, Google), qui peuvent ne pas faire l’objet de blocage. Changer de résolveur DNS est d’ailleurs précisément l’une des solutions pour ceux qui souhaitent contourner la censure.

 

 

 


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Source : http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/les-vraies-questions-que-pose-le-faux-blocage-de-nintendojo-par-le-gouvernement_1667195.html