Disparaître du Net, droit ou rêve ? |
Le 13 mai 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne rendait une décision imposant aux moteurs de recherches, le retrait de tout lien des pages de résultats, en cas de demande légitime d’une personne estimant subir un préjudice. Cette décision dite « droit à l’oubli » rend les moteurs de recherches responsables des contenus qu’ils indexent de façon algorithmique, même si ceux-ci sont publiés ailleurs, par une tierce personne. Comment en sommes-nous arrivés là ? Les règles de l’internet évoluent-elles vraiment vers le respect de la vie privée ?
Soyons clair… Le droit à l’oubli n’existe pas et aucune mention de ce terme n’est présente dans le droit. La décision rendue par la CJUE (Cours de Justice de l’Union Européenne) s’appuie sur la protection des données à caractère personnel, le droit au respect de la vie privée, ainsi que le droit de la presse. En l’état actuel, seuls les particuliers dans l’UE, en Islande, en Norvège, en Suisse et dans le Liechtenstein sont concernés. Si la décision implique l’ensemble des moteurs de recherche, Google prend l’affaire très au sérieux, en raison de sa position de leader en Europe (93% du marché) mais aussi des récentes résolutions du Parlement Européen le concernant, pour abus de position dominante. Le Parlement Européen a d’ailleurs voté le 26 novembre dernier le démantèlement de Google, décision qui reste cependant symbolique puisqu’il ne détient aucune compétence en la matière. Sous la contrainte de la CUJE, tous les moteurs de recherches disposent désormais d’une page avec un formulaire permettant à un internaute de demander la suppression de données personnelles. Toutefois, seules les versions européennes des moteurs sont concernées. Une limitation que le G29 (organisme qui rassemble les CNIL européennes) trouve insuffisante. Des données effacées sur Google France reste accessible sur Google Canada, par exemple… Une nouvelle directive du G29 vient d’ailleurs de voir le jour pour que le déréférencement soit étendu à toutes les versions géographiques des moteurs. Affaire à suivre !
Etat de la demande Le droit à l’oubli risque de prendre une dimension politique sur fond de lobbying, mais qu’en est-il des intérêts des internautes ? Qu’advient-il des demandes envoyées via les formulaires des moteurs de recherches ? Si les Européens communiquent facilement des données en ligne, 75% d’entre eux souhaitent pouvoir exercer un droit à l’oubli. Un paradoxe que les moteurs de recherche doivent prendre en compte dans leur processus de retrait des liens préjudiciables. La question du « droit à l’oubli » se heurte également au « droit à l’information », principe de base de la démocratie. Par conséquent, chaque demande de suppression envoyée à un moteur de recherche, doit être accompagnée d’une explication cohérente, accompagnée de la copie de votre pièce d’identité avec photo en cours de validité. A vous d’être suffisamment clair pour « expliquer en quoi le lien apparaissant dans les résultats de recherche est non pertinent,obsolète ou inapproprié. » A ce petit jeu, il va de soi que toutes les demandes ne sont pas validées. Google, Bing et Yahoo… jugent le plus souvent les informations vous concernant, d’intérêt public et des milliers de demandes envoyées se heurtent ainsi à un refus. A noter, que les moteurs de recherche ne sont pas tenus de publier la liste de leurs critères, ni de produire les statistiques de leurs décisions. Le « droit à l’oubli » est donc loin d’être acquis et il faut rester attentif pour garder la maîtrise de son profil web et ne pas en devenir esclave. Si les moteurs de recherche contribuent à cet état de fait, il est certainement plus judicieux de s’interroger sur notre véritable rapport au narcissisme et au voyeurisme sur la toile.
Ego-surfing ou droit à l’oubli ? Si nos données personnelles sont si peu « personnelles », il faut bien reconnaître que nous contribuons fortement à dévoiler notre vie privée. Un simple regard sur un profil Facebook permet de découvrir, âge, sexe, profession, goûts, désirs… Difficile de prétendre que l’on souhaite protéger sa vie privée, quand notre égo nous pousse à dévoiler sa vie aux autres… Que dire quand l’instinct pousse certains d’entre nous à espionner le profil d’une personne pour en connaître plus sur sa vie, le plus souvent via un faux profil. Selon une étude Ipsos menée pour Bing, 71% des internautes français ont déjà tapé leur nom sur les moteurs de recherche. Certes, la curiosité est un facteur important mais la fierté de voir son nom sur le web est également bien présente. Quant à l’inquiétude liée à son e-reputation, elle ne semble pas se manifester pour la maîtrise de ses informations, mais bien dans le fait d’être confondu avec un autre. Dans ce contexte, il devient de plus en plus nécessaire de protéger sa vie privée même quand on n’a rien à cacher.
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Source : http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/24648/disparaitre-net/?utm_source=Thot+Cursus+-+Bulletins+hebdomadaires&utm_campaign=2cf8b24b72-UA-5755289-1&utm_medium=email&utm_term=0_3ba118524c-2cf8b24b72-13406077#.VIg_XLK9KSN Par Vincent Dadin
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