Enquête sur l’algo le plus flippant de Facebook |
Si la section « Vous connaissez peut-être » vous faisait parfois flipper en vous proposant des profils précis et éloignés de vos réseaux habituels, vous n’avez encore rien vu.
La section « Vous connaissez peut-être » (« People you may know ») de Facebook est une source inépuisable de spéculations. Cette fonction, en apparence sympathique puisqu’elle nous propose d’ajouter de nouveaux amis, semble détenir des informations très personnelles sur chacun d’entre nous.
Beaucoup ont aussi vu apparaître des gens rencontrés sur des applis de rencontre comme Tinder ou Grindr. Plutôt embarrassant, non ? Folles rumeursEntre nous, les mots de « magie noire » et « espionnage » sont prononcés. Sur Internet, les rumeurs les plus folles circulent sur la façon dont cet algorithme plutôt intrusif fonctionnerait.
C’est la théorie d’un utilisateur de Reddit. Il raconte avoir créé un profil anonyme avec un mail jamais utilisé et s’être vu proposer plein de contacts connus.
Je découvre que cette rumeur existe déjà, et que beaucoup d’utilisateurs y croient dur comme fer. Facebook l’a toujours démentie.
Un journaliste du Huffington Post a fait la même hypothèse. Ce que le réseau social a nié avec force. Fabrice Epelboin, spécialiste des médias sociaux et entrepreneur du Web, croit les dires de Facebook, comme Vincent Glad :
Pour lui, l’explication est beaucoup plus simple :
Ah bon ? Un aspirateur à données, via votre téléphoneOn résume. Il faut imaginer l’algorithme de Facebook comme un aspirateur à données géant. Visages et Facebook – Pixabay/CC0
Dans un article du Washington Post, qui fait référence en la matière, il est expliqué que l’algorithme de « Vous connaissez peut-être » est basé sur la « science des réseaux ». En définissant les réseaux auxquels on appartient, Facebook calcule nos chances de connaître telle ou telle personne. Et il peut même prédire nos futures amitiés. Un peu de probabilités et c’est dans la boîte.
Avertissement de Messenger, dont la « synchronisation » permet au contact de « se connecter sur Facebook »
En fonction des amis que l’on a, de nos interactions plus ou moins fortes et fréquentes avec eux, de l’endroit où on vit, des lieux où on a étudié et travaillé, l’algorithme fait ses calculs. Il tente aussi de définir les personnes « clés » de votre réseau, celles qui vous présentent aux autres. Enfin, il utilise votre géolocalisation, ce qui a probablement mené ce lundi à l’arrestation du voleur de la voiture d’un internaute, qui est apparu dans ses suggestions d’amis. Surtout, depuis qu’il est arrivé sur votre mobile, via les applis Facebook et Messenger, le réseau social a un tas d’autres informations à mettre sous la dent de leur algo : vos contacts téléphoniques et vos mails. Vous l’avez autorisé, probablement sans en avoir conscience, au moment de l’installation de l’une et/ou l’autre application. Le test ultime : le Nokia de Xavier de La PorteComme c’était un jour de pluie, j’ai voulu tester la puissance de cet algorithme qui marche donc sur deux pieds :
Je décide de créer un compte avec un numéro de téléphone et avec un faux nom. Le mien est déjà lié à un compte, donc Facebook le refuse. En effet, il est interdit, en théorie, de créer un faux compte ou de doublonner, selon sa politique de « l’identité réelle » – les personnes transgenres en savent malheureusement quelque chose. Il y a une personne dans ces bureaux qui n’a pas lié son compte Facebook à son numéro. J’ai nommé : Xavier de La Porte. Il possède un charmant Nokia cassé sur le dessus. Le téléphone de Xavier, bolide de la protection des données
Il n’est évidemment pas question d’applications quelconques. Avec le numéro de Xavier, Facebook accepte la création du compte de « Mathilde Machin », 21 ans. « Mathilde Machin », couverture très discrète
Et là, un truc vraiment effrayant arrive : des dizaines de contacts sont proposés, amis, famille, collègues de bureau, sources de Xavier. Ils ne sont pas dans son répertoire. Et ne sont pas non plus tous amis avec lui sur Facebook. A partir de là, deux hypothèses s’offrent à moi :
Mais, Facebook refuse d’ouvrir deux comptes avec le même mail ou le même numéro. Il s’agirait d’une sorte de faille de sécurité, puisque le téléphone sert justement à sécuriser votre compte. Et cela n’expliquerait pas pourquoi Mathilde Machin se voit proposer des personnes qui ne sont pas dans les amis Facebook de Xavier.
Facebook, après s’être creusé les méninges un moment – c’est un peu technique –, me confirme la dernière hypothèse. C’est vertigineux. Mais inscrit noir sur blanc dans les flippantes« Confidentialités et conditions » de Facebook. Qui autorisent l’application à utiliser les « données que vous importez ou synchronisez de votre appareil », type répertoire, mais aussi :
Un algo gourmandFacebook m’explique donc que l’algorithme se nourrit aussi des données que les autres ont sur vous (votre mail, votre numéro). Pour le dire autrement, quelqu’un qui a votre contact et l’importe dans son appli Facebook va probablement apparaître dans vos suggestions d’amis. C’est aussi fou que les rumeurs. Facebook insiste sur le fait que :
Un samedi soir, vous êtes tombée amoureuse d’un ami d’ami. Le lendemain, vous demandez à l’ami commun son numéro. Vous hésitez à envoyer un message, vous bloquez plusieurs jours. Sachez donc que ce mec, à qui vous n’avez rien envoyé, vous a peut-être déjà vu apparaître dans « Vous connaissez peut-être ». Et qu’il a déjà peur de vous. Article original de Alice Maruani Rue 89
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Original de l’article mis en page : Enquête sur l’algo le plus flippant de Facebook – Rue89 – L’Obs
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