Est-ce légal d’utiliser un VPN pour contourner le filtrage géographique ?

 

Est-ce légal d’utiliser un VPN pour contourner le filtrage géographique ?


Vous songez à utiliser un VPN pour accéder aux catalogues de Netflix diffusés dans d’autres pays, mais ne savez pas si c’est légal ? La réponse.

 

Alors que NordVPN part en guerre contre le blocage de ses serveurs par Netflix, vous vous posez peut-être la question : est-ce légal pour un internaute de passer par les services d’un VPN pour contourner le filtrage géographique et accéder à des œuvres qui, normalement, ne sont pas diffusées en France ou le sont par d’autres services ?

La réponse est loin d’être aussi évidente qu’on pourrait le penser. Elle n’est en tout cas, comme souvent en droit, pas binaire. Il est impossible de répondre « oui » ou « non ». Mais tentons une réponse argumentée.

Il fait peu de doute que les blocages géographiques imposés par les ayants droit peuvent être considérés comme des mesures techniques de protection, qui sont celles destinées à « empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d’un droit d’auteur ». Quand un studio accorde des droits à Netflix US, il le fait pour autoriser l’accès depuis les États-Unis, pas depuis les autres pays, et le blocage géographique vise à s’en assurer.

Or l’article L335-3-1 du code de la propriété intellectuelle punit bien de 3 750 euros d’amende « le fait de porter atteinte sciemment, à des fins autres que la recherche, à une mesure technique efficace (…) afin d’altérer la protection d’une oeuvre par un décodage, un décryptage ou toute autre intervention personnelle destinée à contourner, neutraliser ou supprimer un mécanisme de protection ou de contrôle ».

Fin de l’histoire ? Non. Car il y a deux obstacles.

 

 

LE FILTRAGE GÉOGRAPHIQUE, UNE MESURE TECHNIQUE DE PROTECTION « EFFICACE » ?

Le contournement du filtrage géographique par contrôle d’adresse IP n’est interdit que s’il s’agit d’une mesure technique « efficace », ce qu’il ne faut pas prendre au sens commun. Il suffit pas de pouvoir contourner pour dire que ça n’est pas efficace.

La loi précise que les « mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu‘une utilisation […] est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l’application d’un code d’accès, d’un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la protection ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection ».

Il paraît clair que le contrôle de l’adresse IP n’est pas un contrôle de code d’accès, ni un procédé de transformation de l’œuvre tel que le brouillage ou le cryptage. Mais s’agit-il d’un « mécanisme de contrôle de la copie » ? Il y aurait débat, puisque techniquement, l’utilisateur de Netflix ne réalise pas de copie. Mais admettons.

 

 

 

L’UTILISATEUR D’UN VPN EST-IL RESPONSABLE ?

Un deuxième problème se pose. L’amende de 3 750 euros prévue par l’article L335-3-1 ne peut s’appliquer que si le contournement est réalisé par « d’autres moyens que l’utilisation d’une application technologique, d’un dispositif ou d’un composant » qui existe déjà, fourni par un tiers.

Dans ce dernier cas, c’est le fait de « procurer ou proposer sciemment à autrui, directement ou indirectement, des moyens conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique efficace » qui devient punissable, de six mois de prison et 30 000 euros d’amende. L’idée est que c’est d’abord celui qui fournit l’outil en toute connaissance de cause qui doit être tenu responsable pénalement, et pas celui qui s’en sert.

 

 

Dès lors, il faut distinguer deux cas, assez paradoxaux :

Si l’internaute utilise un service de VPN qui est clairement promu comme un outil de contournement du filtrage (typiquement NordVPN), il n’est pas responsable ;
Si l’internaute utilise un service de VPN totalement neutre, qui ne fait que fournir une adresse IP géolocalisée dans d’autres pays, sans dire à quoi ça peut servir, c’est lui qui le transforme en outil de contournement de la mesure technique de protection, et il devient donc responsable.
Dans tous les cas, l’internaute est potentiellement coupable de recel de contrefaçon, mais c’est une réflexion qui nous amènerait trop loin. Et songez surtout qu’en pratique, il reste extrêmement peu probable qu’existe un jour une plainte pour utilisation d’un VPN, qui demanderait d’obtenir l’adresse IP des internautes en cause. Mais si vous vous posiez la question, vous avez une réponse.

 

 

Source : Guillaume CHAMPEAU


 

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