Le business des écoutes et des données personnelles |
Au moment où les États-Unis sont en train – timidement – de faire machine arrière sur le Patriot Act, la France se dote d’une véritable armada de machines électroniques pour surveiller ses propres ressortissants – et à l’occasion, les étrangers de passage dans notre beau pays. Dans cette guerre secrète contre le crime et le terrorisme, qui s’est amplifiée ces dernières années, pas de chars, pas d’avions, pas d’armes, mais un chiffre d’affaires en pleine érection. On peut se demander à qui profite le crime et combien cela va nous coûter… Dans quelle poche va-t-on prendre les sous ? Au détriment de quels services publics ?…
Nous sommes tellement habitués à ces projets qui capotent, comme Ecomouv ; ou d’autres qui aboutissent, mais dont la facture a été multipliée par 2, 3, 4… Tiens, par exemple, parlons de la plateforme nationale d’interceptions judiciaires (PNIJ). En 2007, il était question d’une enveloppe de 17 millions d’euros. En 2010, elle était de 42 millions, et en 2014, de 47. En cette année 2015, alors que les premiers essais ont commencé dans certains services de police et de gendarmerie sur le ressort des cours d’appel de Paris, Versailles et Rouen, on se rapprocherait des 55 millions. C’est du moins ce que dit Le Canard enchaîné daté du 20 mai 2015, ajoutant malicieusement, que, pour l’instant, seuls les clients d’Orange peuvent être mis sous écoute. En fait, l’addition sera beaucoup plus lourde, car, parallèlement, les fournisseurs d’accès à Internet ont dû effectuer des travaux et notamment déployer des fibres optiques jusqu’à Élancourt, dans les Yvelines, sur le site de Thales qui accueille la PNIJ. Il faut également revoir les réseaux des services de police, de gendarmerie, des douanes… Lors du jeu de questions à l’Assemblée Nationale, le député Alain Tourret a avancé un surplus de 50 millions. Il n’a obtenu ni confirmation ni infirmation de ce chiffre, la garde des Sceaux se contentant de dire qu’il était prévu que le ministère de l’Intérieur participe au pot commun. Et l’addition n’est pas close, car il pourrait se révéler nécessaire de renforcer la sécurité de la PNIJ. On se souvient des propos tenus lors du débat sur la loi sur le renseignement : la centralisation des données dans un même lieu géographique « pourrait constituer une source de vulnérabilité importante ». La centralisation nationale des réquisitions judiciaires constitue donc une faiblesse dans la sécurité, ce que policiers et magistrats n’ont cessé de clamer depuis que l’idée est dans l’air. D’autant que cette plateforme, contrairement à ce que son nom peut laisser penser, n’est pas seulement destinée à intercepter les communications téléphoniques : c’est un système complet de traitement automatisé de données à caractère personnel. Une machine qui va brasser et enregistrer les données personnelles de toutes les personnes impliquées ou suspectées dans une affaire judiciaire. Une caverne d’Ali Baba sur laquelle les services de renseignement, français ou étrangers, vont forcément loucher. À ce sujet, on peut d’ailleurs s’interroger sur la portée exacte de l’amendement de dernière minute (un de plus) présenté par le gouvernement à la loi sur le renseignement : les services habilités pourront avoir accès aux traitements automatisés de données à caractère personnel, y compris celles des procédures judiciaires en cours. Il s’agit pour ces services, nous dit-on, de pouvoir consulter le TAJ, c’est-à-dire le fichier d’antécédents judiciaires (qui a remplacé le STIC de la police et le JUDEX de la gendarmerie). Mais alors, pourquoi ce pluriel dans l’article L.234 : « pourront avoir accès aux traitements automatisés… » Cela vise-t-il également le fichier Cassiopée du ministère de la Justice et la PNIJ ? Je vais finir parano !
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Source : http://moreas.blog.lemonde.fr/2015/06/21/le-business-des-ecoutes-et-des-donnees-personnelles par G.Moréas
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