Pour prévenir les violences, un sénateur veut un fichier des interdits de manifester

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Pour prévenir les violences, un sénateur veut un fichier des interdits de manifester


Les débordements lors des manifestations organisées chaque semaine contre le projet de loi Travail ont fait réagir Bruno Retailleau. Le sénateur LR vient de déposer une proposition de loi pour instituer notamment un nouveau fichier, celui des interdits de manifester.

 

 

Manifester paisiblement, oui, dans la violence, non. Tel est l’angle du texte déposé la semaine dernière par le parlementaire de l’opposition. Son auteur réprouve le fait que désormais, « les forces de l’ordre sont, de façon répétée, prises pour cible à l’occasion de ces rassemblements ». Et selon lui, « un palier dans l’expression de la violence a été franchi, le 18 mai dernier, au cours d’une manifestation interdite lors de laquelle deux fonctionnaires de police ont été lâchement pris à partie et violemment agressés ».

Dirigée contre les « casseurs », dixit son introduction, cette PPL s’inspire du mécanisme existant à l’encontre des hooligans. le premier article veut ainsi permettre aux préfets de prononcer une mesure d’interdiction de manifester à l’encontre de toute personne « ayant pris une part active dans un précédent attroupement en cherchant à entraver, par la force ou la violence, l’action des pouvoirs publics » ou « impliquée dans la commission d’un acte de dégradation ou de violence à l’occasion de l’une de ces manifestations ». L’arrêté s’étendrait jusqu’à 12 ou 24 mois selon le comportement de la personne.

Un fichier des interdits de manifester

Pour épauler l’interdiction, qui doit être validée par un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat, un traitement automatisé serait nourri de ces arrêtés d’interdiction, mais aussi des noms des personnes condamnées à la peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique (L. 211-13 Code de la sécurité intérieure).

Après passage par la CNIL, sa finalité serait « de prévenir les troubles à l’ordre public, les atteintes à la sécurité des personnes et des biens ainsi que les infractions susceptibles d’être commises à l’occasion des manifestations sur la voie publique et des rassemblements en lien avec ces manifestations se tenant dans le ressort de leur département ».

Accentuation du périmètre de la « vidéoprotection »

Ce n’est pas tout. L’article 3 vient modifier le régime de la « vidéoprotection ». À ce jour, le Code de la sécurité intérieure autorise « la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique » lorsqu’il s’agit d’assurer « la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords », « la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale », « la constatation des infractions aux règles de la circulation », la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés, ou encore la prévention d’actes de terrorisme.

La proposition de loi aimerait ajouter au long inventaire, « la prévention des troubles à l’ordre public en cas de manifestation sur la voie publique, au besoin au moyen de dispositifs mobiles ». Pourquoi ? Selon le parlementaire, « visionner la voie publique ou un lieu ouvert au public n’est possible que dans des cas et pour des motifs définis par la loi. [Cet article] rend possible la mise en œuvre d’un système de vidéo-protection sur le parcours et aux abords immédiats d’une manifestation. Afin d’assurer la faisabilité technique du dispositif, il est prévu de recourir à des caméras mobiles. L’arrêté d’autorisation déterminera la position de chacune des caméras et la période de temps au cours de laquelle le dispositif pourra être utilisé. »

« Des objets susceptibles de constituer une arme »

La PPL s’intéresse tout autant au Code pénal, et spécialement à l’article concernant la participation délictueuse à une manifestation. Aujourd’hui, il punit de trois ans de prison de prison et 45 000 euros d’amende le fait d’y prendre part en étant porteur d’une arme.

Pour mieux assurer la préservation de l’ordre public, Bruno Retailleau y ajoute le fait « d’introduire, de détenir ou de faire usage de fusées ou artifices de toute nature ou d’introduire sans motif légitime tous objets susceptibles de constituer une arme » et celui « de jeter un projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes dans une manifestation sur la voie publique», sachant que « la tentative de ces délits [sera] punie des mêmes peines ».

Toujours dans cette optique, elle rêve également d’instaurer une prune de 3 750 euros pour quiconque aura introduit ou consommé de l’alcool dans une manifestation sur la voie publique ou participé à une telle réunion « en état d’ivresse ».

Provocation à la haine contre les policiers

Outre un élargissement des possibilités d’interdire une personne à participer à des réunions et une obligation de pointage pour les personnes condamnées par un tribunal, la loi de 1881 sur la presse profite également d’une mise à jour. L’idée ? Eriger en infraction le fait de provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne « à raison de sa profession » (jusqu’à un an d’emprisonnement ou/et de 45 000 euros d’amende).

Pour le cas présent, la profession visée est évidemment celle des gendarmes et des policiers. Seront donc concernés ceux qui auront incité, notamment sur Internet, à la haine à l’égard des forces de l’ordre. Le dernier article prévoit d’ailleurs d’instaurer une période de sûreté pour les auteurs de violences contre elles.

S’assembler oui, mais « paisiblement »

Pour justifier son texte, Retailleau se souvient que « l’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacre ‘le droit de s’assembler paisiblement’ ». Dans le texte fondateur, le principe est plutôt inscrit à l’article 10 Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi »).

Les adversaires d’un tel dispositif se rappelleront que la Déclaration de 1789 prévoit aussi que « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » (article 8) sachant que quiconque a le droit de résister à l’oppression (article 2) et que « la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée » (article 12).

 
Merci à Marc Rees, auteur de cet article


 

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