Pourquoi la vidéosurveillance de Salah Abdeslam pose question légalement ? |
Arrêté en Belgique le 18 mars 2016 suite aux attentats de Paris du 13 novembre 2015, Monsieur Salah Abdeslam a été mis en examen notamment pour assassinats et tentatives d’assassinats en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste, et placé en détention provisoire le 27 avril à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis, dans l’attente de son jugement.
Il est aujourd’hui placé en isolement total dans une cellule de 9m2, et deux caméras le filment 24h/24. Cette mesure, tout-à-fait exceptionnelle, est justifiée, selon le Ministre de la Justice français, “conformément aux exigences la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et du droit français de la protection des données personnelles”. La loi française prévoit un régime dérogatoire s’agissant de la procédure pénale en matière de terrorisme, mais aucune disposition n’envisage spécifiquement la mise en place d’un dispositif de surveillance continue de la cellule d’un détenu. La Cour Suprême française (Cour de Cassation) a retenu à une reprise, en matière de criminalité organisée, la validité de la sonorisation permanente d’une cellule, sur autorisation du juge d’instruction. Un arrêté français du 23 décembre 2014 autorise le contrôle sous vidéoprotection d’une cellule de protection d’urgence, mais ce texte ne vise que les détenus “dont l’état apparaît incompatible avec leur placement ou leur maintien en cellule ordinaire en raison d’un risque de passage à l’acte suicidaire imminent ou lors d’une crise aigüe” et alors la durée d’enregistrement ne peut dépasser 24 heures consécutives. C’est dans l’une de ces cellules de protection d’urgence pour les détenus suicidaires que monsieur Salah Abdeslam est actuellement détenu. L’arrêté ne serait donc applicable que s’il était démontré un risque imminent de passage à l’acte suicidaire, alors que Monsieur Salah Abdeslam est isolé, ses visites étant très limitées, et complètement isolé des autres détenus à chaque promenade. Il dispose en outre d’un pyjama en papier, sa cellule vide faisant l’objet d’une surveillance accrue par des rondes renforcées toutes les 3 heures. Monsieur Salah Abdeslam lui-même est encadré par une équipe de surveillants et médecins spécialisés dans les personnes dangereuses. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a permis aux détenus de bénéficier d’une véritable protection de leurs droits, en s’appuyant notamment sur l’article 3 de la convention, relatif aux traitements inhumains et dégradants. Les états membres doivent en effet s’assurer que la détention est compatible avec le respect de la dignité humaine et à veiller à ce que la santé et le bien-être du prisonnier soient assurés de manière adéquate. La Cour a déjà tenu compte, dans une affaire d’isolement carcéral et dans un contexte de la lutte contre le terrorisme, de la personnalité du détenu et de sa dangerosité hors norme, pour justifier de la mise en place de telles mesures (CEDH Grande Chambre, 4 juillet 2006, Ramirez Sanchez c/ France). En matière de vidéosurveillance continue, la Cour Européenne a déjà été saisie de cette question, mais n’y a pas répondu, estimant que le requérant n’avait pas épuisé toutes les voies de recours internes dont il bénéficiait pour contester l’application de la mesure de sa vidéosurveillance (CEDH, Riina c/ Italie, 11 mars 2014). Le requérant, condamné à la réclusion à perpétuité pour association de malfaiteurs de type mafieux et de multiples assassinats se plaignait d’une vidéosurveillance constante dans sa cellule, y compris dans les toilettes. Conscient de ce vide juridique, le Ministère de la Justice français a saisi l’autorité française de contrôle et de protection des données personnelles (CNIL), en charge notamment des questions liées la conservation des enregistrements et des mesures de vidéoprotection, d’un projet d’arrêté sur la vidéosurveillance en prison. Son avis sera rendu public dans les prochains jours. En cas d’avis défavorable de la CNIL, l’avocat de Salah Abdeslam serait en droit de contester la mesure et de réclamer, outre une réduction de la mesure de vidéoprotection, une indemnisation financière devant le directeur de la prison, et en cas de rejet, de saisir le juge administratif français d’un recours. A charge pour l’avocat d’inscrire cette procédure de contestation dans une stratégie de défense plus générale… [Lire la suite]
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Source : Pourquoi la vidéosurveillance 24h/24 de Salah Abdeslam pose question légalement
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